Les projections pour le futur : zoom régional
01/07/2023
L'évolution attendue du climat à La Réunion au cours du XXIe siècle, méthode et résultats.
Passer de l'échelle globale à l'échelle régionale
Pour obtenir de l’information climatique à l’échelle régionale à partir des simulations CMIP6 sur le globe, on applique des techniques de « descente d’échelle ». Des descentes d’échelle à la fois dynamique et statistique sont utilisées pour préciser les impacts attendus à l'échelle des territoires de la région (ressource en eau, habitat, énergie, agriculture, utilisation des sols…).
Pour la descente d’échelle dynamique, le modèle régional de climat français ALADIN a tourné à 12 km de résolution sur une grande partie du sud-ouest de l’océan Indien. Le domaine couvre la plupart des territoires habités depuis les côtes du Mozambique (33°E) jusque 74°E ainsi que la zone principale de cyclogenèse tropicale [2°S – 28°S].
Ces descentes d’échelle permettent d’illustrer et de quantifier plus précisément l’impact du réchauffement d’échelle planétaire sur les précipitations et températures de l’île de La Réunion d’ici la fin du siècle, ainsi que l’évolution de l’activité cyclonique dans notre bassin océanique.
Des températures moyennes en hausse
Le graphique ci-dessous montre l’évolution temporelle sur la période 1981-2100 des anomalies de température moyenne annuelle à +2 m (en °C par rapport à la période historique 1981-2010) modélisées pour l’historique (noir) et pour 3 scénarios d’émissions de gaz à effet de serre (couleurs) en moyenne sur La Réunion. Les enveloppes de couleur délimitent les valeurs les plus probables (80 %) de la distribution de 22 modèles CMIP6. Les traits pleins représentent les valeurs simulées par la simulation climatique régionale à haute résolution ALADIN.
Sur La Réunion, la hausse des températures prévue pour la fin du siècle se situe dans une fourchette comprise entre 1,0 °C pour le scénario SSP1-2.6 et 3,5 °C pour le scénario extrême SSP5-8.5. A cette incertitude sur le scénario futur s’ajoute une incertitude liée à la modélisation de l’ordre de ± 0,5°C pour le scénario optimiste à ± 1 °C pour le scénario extrême. Ces estimations se situent dans la fourchette basse du réchauffement global projeté entre + 1,0 °C et + 4,5 °C pour les mêmes scénarios et la même période de référence 1981-2010. D’ailleurs, le réchauffement sera plus important sur les grandes masses continentales comme le continent africain et Madagascar que sur les petits territoires insulaires.
À noter que c’est durant la saison chaude que la hausse des températures sera la plus élevée. Le nombre de jours de forte chaleur sera en nette augmentation. Sur le littoral Nord par exemple, la température a dépassé les 31 °C environ 13 jours par an entre 1981 et 2010. En fin de siècle (2071-2100), ce seuil de chaleur pourrait être dépassé 60 jours par an en moyenne dans le scénario optimiste et près de la moitié de l’année dans le scénario extrême, avec des fourchettes d’incertitude liée à la modélisation de l’ordre de ± 30 jours. Sur la dernière décennie 2011-2020, les températures maximales enregistrées ont déjà dépassé le seuil des 31 °C entre 30 et 50 jours par an.
Des vagues de chaleur plus fréquentes et plus longues
Le graphique ci-dessous illustre l’évolution des vagues de chaleur au cours du 21e siècle sur Gillot dans les deux scénarios extrêmes SSP1-2.6 (en bleu) et SSP5-8.5 (en rouge). Les critères définissant les vagues de chaleur sont précisés dans l'encadré ci-dessous.
Il est important de noter que chaque année ne sera pas systématiquement plus chaude que la précédente. Les fluctuations naturelles continueront en effet d'influencer le climat à court terme. Cependant, sur le long terme les vagues de chaleur augmenteront :
- en durée,
- en sévérité,
- en intensité avec des températures moyennes quotidiennes pouvant atteindre 35,5 °C sur Gillot à leur paroxysme dans le scénario de fortes émissions de gaz à effet de serre (SSP5-8.5).
L’augmentation des vagues de chaleur sera moindre en scénario SSP1-2.6 qu’en scénario SSP5-8.5, ce qui souligne l'importance de prendre des mesures pour atténuer le changement climatique. Toutefois, l’augmentation des vagues de chaleur sera notable par rapport à la période historique dans tous les cas et il faudra donc s'adapter à ses impacts.
Comment identifie-t-on une vague de chaleur ?
La méthode de calcul est la même que celle utilisée en France métropolitaine, mais les seuils retenus sont adaptés à la distribution des températures de la ville considérée. On se base sur des critères définis sur la période 1985-2014. On considère la moyenne de la température minimale et maximale de la journée.
- Une vague de chaleur est détectée dès lors que la température moyenne dépasse le pic de 27,9 °C (une température rarement observée à Gillot dans le passé puisque seulement 0,5 % des températures dépassent cette valeur entre 1985 et 2014 – il s’agit du centile 99,5 de la distribution) ;
- On englobe dans l’épisode les journées adjacentes à ce pic pour lesquelles la température moyenne reste supérieure à 27,3 °C (centile 97,5) au moins 3 jours d’affilée ;
- Un épisode s’arrête dès lors que la température devient inférieure à 26,9 °C (centile 95).
Sur le graphique, chaque épisode est représenté par une bulle. Sa position et sa taille indiquent les caractéristiques de la vague de chaleur :
- La position horizontale indique la durée (en jours) de l’épisode ;
- La position verticale indique l’intensité de la vague de chaleur : c’est la valeur maximale de température moyenne atteinte durant l’épisode ;
- La taille indique la sévérité de la vague de chaleur, qui est proportionnelle à l'excès de chaleur cumulé durant l’épisode.
Des alizés plus vigoureux
Cette fin de siècle sera vraisemblablement marquée par la présence d’un anticyclone plus puissant ou davantage présent au Sud-Est de La Réunion. Le renforcement des hautes pressions subtropicales devrait induire une accélération des alizés sur les Mascareignes notamment pendant les mois d’hiver, la saison où les alizés soufflent déjà avec force.
Les cartes ci-dessus montrent l’amplitude de l’augmentation annuelle de la pression de surface (couleurs) et de la vitesse du vent (flèches) selon les deux scénarios extrêmes SSP1-2.6 (à gauche) et SSP5-8.5 (à droite) en moyenne à l’horizon 2071-2100. Sur La Réunion, le relief modulera ces valeurs moyennes, notamment par effet d’accélération sur les côtes nord et sud de l’île. Il faut donc s’attendre pour le futur à des épisodes plus « soutenus » ou plus fréquents d’alizés en hiver, surtout dans le scénario pessimiste.
Evolution des précipitations annuelles à l'horizon 2080
Sur l’année :
En moyenne, les modèles montrent un possible assèchement de l’ordre de 5 à 10 % des pluies annuelles suivant le scénario et l’endroit de l’île. Ce signal relativement faible masque d’importants contrastes saisonniers comme illustré ci-dessous pour le scénario pessimiste.
Une baisse des précipitations en saison sèche à l'horizon 2080
En saison sèche (juin à décembre) :
L’impact du changement climatique sur les précipitations en fin de siècle devrait se manifester par :
1 – Une baisse des précipitations de grande échelle sur une vaste zone géographique incluant les latitudes subtropicales et les Mascareignes, en scénario optimiste comme pessimiste.
2 – Un allongement de la saison sèche lié à un probable retard de démarrage de la saison des pluies.
Et les précipitations sur La Réunion ?
Un échantillon de 22 modèles CMIP6 a subi des traitements statistiques pour affiner les diagnostiques de précipitations à l’échelle de La Réunion sur une maille de 3 km.
À l’horizon 2080 en moyenne sur l’année, les cartes ci-dessous suggèrent :
- une diminution de l’ordre de 5 à 10 % des pluies annuelles selon le scénario et l’endroit de l’île ;
- une augmentation des contrastes saisonniers ainsi que de l’amplitude et de la fréquence des phénomènes extrêmes (sécheresse, inondations).
À l’horizon 2080 en moyenne sur l’hiver :
- Les déficits de pluie sur l’île au second semestre de l’année pourraient atteindre 10 à 25 % en scénario optimiste (SSP1-2.6) ou 20 à 35 % en scénario pessimiste (SSP5-8.5) comme illustré ci-dessous.
- Le renforcement des alizés pourrait accroître le contraste de pluviométrie entre les zones au vent et les zones sous le vent. Les micro-régions du Sud-Ouest de l’île seront les plus impactées par les déficits de pluie à cette période de l’année déjà très peu arrosée.
Retrouver le rapport BRIO qui a servi de base à ces pages :
- Le rapport en français : Régionalisation du changement climatique et développement de services climatiques dans le sud-ouest de l'océan Indien et ses territoires insulaires.
- L'article scientifique en anglais : Developing Climate Services for Vulnerable Islands in the Southwest Indian Ocean: A Combined Statistical and Dynamical CMIP6 Downscaling Approach for Climate Change Assessment.