cyclone image satellite du cyclone Emnati - palette Dvorak

Le cyclone intense EMNATI

20/04/2022

Dix-sept jours seulement après le cyclone tropical Batsirai, le cyclone Emnati a menacé La Réunion, générant un épisode de temps très perturbé durable, avec vents forts et pluies s’étendant sur une période de plus de 4 jours, du 19 au 23 février.

Chronologie de l’événement

Le cyclone Emnati a menacé et influencé La Réunion, puis violenté la même région Sud-Est de Madagascar déjà martyrisée par Batsirai, son centre pénétrant toutefois sur terre plus au sud. Marchant dans les pas de son prédécesseur, et suivant une route longtemps quasi parallèle, tout en adoptant un comportement étonnamment similaire en termes d’évolution de son intensité et de sa structure, Emnati n’a toutefois pas constitué un copier-coller de Batsirai et la deuxième lame a été moins blessante que la première. Avec une trajectoire initiale décalée plus au nord, son influence sur La Réunion a été moindre, surtout en termes de pluviométrie, tandis que l’impact sur Madagascar a été moins sévère, bien que touchant une portion de côte plus étendue.

  • De la genèse au stade de cyclone intense

    Issu d’une zone perturbée résultant de la fusion entre un minimum dépressionnaire en provenance de la zone Sud-Est de l’océan Indien, et circulant au sud de la large zone perturbée qui donnera naissance quelques jours plus tard à la tempête tropicale Fezile, et d’une autre zone perturbée initialement présente plus à l’ouest, Emnati est né en tant que tempête tropicale le 17 février, à quelque 750 km au nord-nord-est de l’île Rodrigues (et à un peu moins de 1500 km au nord-est de La Réunion). Le météore fait alors route vers l’ouest et remonte même légèrement plus au nord dans l’après-midi. Mais tout comme pour Batsirai, il est prévu que parvenu à la longitude de Rodrigues, il incurve sa trajectoire en direction de l’ouest-sud-ouest. Ce qu’il fait effectivement le lendemain, mais avec une trajectoire décalée presque 200 km plus au nord par rapport à celle de Batsirai, qui le fait ainsi passer au nord de l’archipel de St-Brandon cette fois-ci, au petit matin du 19 février.

    Dans le même temps, et de manière également analogue à Batsirai, Emnati a commencé de s’intensifier, devenant cyclone tropical en soirée du 18. L’évolution est toutefois plus laborieuse que pour Batsirai et ce n’est qu’en journée du 19 février que le phénomène prend réellement son essor en termes d’intensité, atteignant finalement le stade de cyclone tropical intense, et ce qui constituera également son maximum d’intensité, seulement dans l’après-midi du 20 février, alors que le météore est déjà en train de transiter au nord de La Réunion.

  • A 360 km de La Réunion

    Le centre du phénomène passe à bonne distance des côtes du département, à un peu moins de 360 km au large, soit nettement plus loin que ne l’avait fait le centre de Batsirai (passé quant à lui à quelque 190 km). La Réunion n’est donc pas du tout concernée par la partie centrale du météore, où sont concentrées les conditions les plus extrêmes associées au cyclone (alors que la partie centrale de Batsirai avait effleuré l’île), et ne connaît ainsi qu’une influence très périphérique.

    Mais tout de même très significative. Car tout comme l’avait fait Batsirai presque trois semaines plus tôt (en tout début de mois), la structure d’Emnati a considérablement évolué après son changement de trajectoire survenu à l’aplomb de Rodrigues, s’élargissant en particulier de manière très substantielle une fois franchi le 60ème méridien Est. Emnati est désormais un cyclone de grande dimension (en tout cas pour le bassin), l’extension de la zone de vents forts associés (vents de la force du coup de vent – i.e. correspondant à des vents moyens sur mer supérieurs à 63 km/h) ayant été quasiment multipliée par quatre.

    De sorte que même située par chance à bonne distance de la trajectoire du centre du cyclone, La Réunion a malgré tout bien ressenti le souffle puissant du météore, certes, dans des limites raisonnables, mais durablement, comme cela avait été le cas durant l’épisode Batsirai.

  • Vent, pluie et houle sur La Réunion

    Dans les Hauts exposés, les valeurs maximales de rafales de vent observées à l’occasion de cet épisode Emnati seront finalement très proches de celles relevées lors de l’épisode Batsirai (avec même un point de mesure où une valeur légèrement supérieure sera mesurée – i.e. à la Plaine des Cafres), mais strictement conformes à ce qui avait été annoncé (130-140 km/h). Sur le littoral, les vents ont soufflé localement à plus de 100 km/h, mais les valeurs observées se situent clairement un cran en dessous de celles enregistrées durant l’épisode Batsirai (aucune valeur supérieure à 110 km/h mesurée sur le réseau de stations de Météo-France, contre 120-130 km/h pour Batsirai).

    Logiquement compte tenu de la distance d’éloignement du coeur du météore, l’influence pluvieuse induite par le passage d’Emnati a été nettement moindre comparativement à celle de Batsirai, avec des accalmies durables sur le littoral, la plus importante ayant été observée, paradoxalement, quand le météore évoluait au plus près du département (durant la période correspondant à la période d’alerte rouge). De sorte que sur les zones côtières, les cumuls de pluies ont été presque anecdotiques, puisque sur 4 jours l’on a dépassé les 100 mm que très ponctuellement (dans le Sud Sauvage et à La Possession). Mais avec le forçage orographique, il en a été différemment dans les Hauts, avec des lames d’eau, qui, par accumulation, ont atteint des niveaux conséquents dans l’intérieur de l’île (plus de 900 mm sur le volcan et 400 à 600 mm dans les cirques – valeurs également bien anticipées dès le début de l’épisode – cf. bulletin d’information spécial du 19 février). Quantités de pluies toutefois largement inférieures à celles recueillies lors de l’épisode pluvieux associé à Batsirai (quasiment divisées par trois sur le littoral, et réduites de plus de moitié dans les Hauts).

    Enfin, les vagues et la houle ont également déferlé puissamment sur le littoral de la moitié nord de l’île, mais avec là aussi des valeurs mesurées un cran en dessous de celles relevées à l’occasion du passage de Batsirai (plus de 8 m de hauteur maximale de vague mesurée par le houlographe de la Grande Chaloupe, contre moins de 7 m pour Emnati).

  • Cycle de remplacement du mur de l oeil

    Dans un environnement météorologique quasiment inchangé par rapport à ce qu’il était au début du mois, le comportement d’Emnati a été, comme on l’a souligné précédemment, remarquablement similaire à celui de Batsirai (les mêmes causes produisant souvent les mêmes effets...). On en a eu une illustration supplémentaire après que le météore a commencé de s’éloigner de La Réunion, avec, tout comme dans le cas de Batsirai, le déclenchement d’un cycle de remplacement du mur de l’oeil. Il s’agit d’un processus interne se produisant assez communément au sein des cyclones et qui voit le remplacement de l’oeil initial par un nouvel oeil plus large. Ce processus, s’il s’accompagne généralement d’un affaiblissement temporaire des vents les plus violents présents au voisinage du mur de l’oeil, contribue par contre à élargir la zone de vents forts (vents de force tempête et ouragan typiquement) autour de celui-ci.
    Sauf que dans le cas d’Emnati, le processus n’ira pas jusqu’à son terme (i.e. le remplacement de l’oeil initial par un nouvel oeil), le cycle de remplacement du mur de l’oeil étant toujours en cours lors de l’approche finale de Madagascar.

  • En route vers Madagascar

    La trajectoire d’Emnati a, depuis le 21 février, cessé d’être quasi rigoureusement parallèle à celle de Batsirai, Emnati adoptant un déplacement plus sud-ouest (celui de Batisrai ayant persisté ouest-sud-ouest jusqu’à la côte malgache). En conséquence, la trajectoire d’Emnati vient, dans l’après-midi du 22 février, couper celle suivie par Batsirai 17 jours plus tôt.

    Ce faisant, le météore passe sur des eaux qui ont été préalablement refroidies au passage de Batsirai et dans son sillage, et qui n’ont de fait pas eu le temps matériel de réellement récupérer de ce premier passage cyclonique. De sorte qu’Emnati arrive sur des eaux dont le contenu énergétique océanique a été fortement amoindri, dans cette zone au large de la côte orientale de Madagascar. Le météore pâtit de ce manque de contenu énergétique sous-jacent et tend à s’affaiblir à l’approche de la Grande Île.

    Plutôt une bonne nouvelle donc pour les habitants du Sud-Est de Madagascar, qui, à peine plus de deux semaines après avoir subi les affres de l’arrivée de Batsirai, sont à nouveau la cible d’un cyclone. La zone de Mananjary, qui semblait devoir être impactée directement à nouveau, ne sera finalement pas le point d’entrée d’Emnati sur le territoire malgache, le déplacement sud-ouest du météore, et la configuration de la côte – presque parallèle à la trajectoire – faisant finalement que le centre d’Emnati touche terre quelque 170 km plus au sud que Batsirai, à une vingtaine de km au sud de la localité de Manakara (vers 2h du matin, le 23 février). Mais il faut souligner qu’avec une trajectoire presque parallèle à la côte, c’est en fait toute la portion de côte comprise entre Mananjary et Manakara qui a été "raclée" par la zone des vents les plus forts présents du côté ouest de la circulation dépressionnaire. Ces vents étaient toutefois moins violents que lors de Batsirai, Emnati étant au stade minimal de cyclone au moment de son atterrissage.

    Une fois sur terre, le météore s’affaiblit rapidement, mais des vents virulents continuent de sévir sur tout le littoral sud-est de la Grande Île (à Fort Dauphin, les rafales maximales approcheront les 120 km/h en matinée du 23), tandis que les nuages associés au météore libèrent leur contenu en eau et arrosent toute cette région, la plus méridionale de la Grande Île. Une bénédiction pour les habitants y vivant et qui ont terriblement souffert de la sécheresse ces dernières années et de la famine qui en a résulté (le "kéré"), et la seule source de consolation pour le pays, qui doit désormais panser ses plaies après ces deux impacts cycloniques consécutifs.

Conséquences climatologiques sur La Réunion

Emnati a généré un épisode de temps très perturbé durable à La Réunion, avec vents forts et pluies s’étendant sur une période de plus de 4 jours, du 19 au 23 février. Les vents ont soufflé un petit cran en dessous par rapport à ceux observés lors de l’épisode Batsirai (surtout sur le littoral), tandis que les cumuls de pluies, bien que conséquents dans l’intérieur de l’île, ont été largement inférieurs, ne présentant pas de caractère exceptionnel. Mais la succession rapprochée de ces deux événements constitue bien elle une conjonction inédite, même si au final La Réunion s’en est tirée plutôt à bon compte, étant dans les deux cas épargnée par la partie centrale réellement dangereuse de ces deux phénomènes.

Pluviométrie

A l’approche d’Emnati, les premières bandes pluvieuses arrivant du sud-est touchent le département en journée du 19 avec de fortes averses sur les contreforts du Sud Sauvage et le Volcan. Les pluies continuent de se déverser le 20 dans les Hauts, principalement du Volcan aux Cirques. Restant
marquées sur le Volcan, elles s’intensifient le 21 du Tampon aux Cirques.

Le système s’éloignant le 22, on observe encore, dans le flux de nord-est, des pluies marquées en journée sur l’ouest du Volcan, la Plaine des Cafres et dans le Cirque de Mafate. Quelques pluies résiduelles sont encore enregistrées en matinée du 23.

Sur l’ensemble de l’épisode, les postes les plus arrosés (cumul sur 4 jours climatologiques*) se situent dans les Hauts et sur les contreforts du Sud Sauvage. Si cet épisode pluvieux est bienvenu pour continuer à refaire les réserves dans les Hauts (après trois saisons des pluies déficitaires), il n’est toutefois pas exceptionnel.

* La journée climatologique pour la mesure des cumuls de pluies va de 7h le jour J à 7h le lendemain (J+1). Ces cumuls sont exprimés en millimètres (1 mm = 1 litre d'eau/m2).

cumuls de pluie

cumuls de pluie

Du 19 au 23, les cumuls de pluie les plus remarquables :

  • 908 mm à Commerson
  • 811 mm à Bellecombe-Jacob
  • 667 mm à La Nouvelle
  • 573 mm à Grand-Galet
  • 530 mm à Belouve
  • 494 mm à Cilaos
  • 473 mm à Aurère
  • 463 mm à Ilet à Vidot
  • 457 mm à Plaine des Cafres
  • 442 mm à Grand-Ilet
  • 398 mm à La Crête
  • 376 mm à Mare à Vieille Place
  • 376 mm à Plaine des Chicots
  • 350 mm à Piton-Bloc
  • 301 mm à Piton-Maïdo

Le vent

Conjointement à l’amplification des pluies, les vents se renforcent le 19 en cours de soirée, puis sont de plus en plus soutenus du 20 au 21, les rafales approchant ou dépassant généralement les 100 km/h. Les rafales les plus fortes sont enregistrées le 21 dans les Hauts, sur les côtes nord-ouest et sud. Tandis que le cyclone s’éloigne le 22, le vent reste très soutenu sur Le Volcan, Le Tampon et les Hauts de St-Paul.

rafales maximales de vent

rafales maximales de vent

Parmi les vents les plus forts, on enregistre en rafales maximales :

- dans les Hauts :

  • Piton Maïdo : 206 km/h de nord le 21 à 14h52 (crête très exposée)
  • Plaine des Cafres : 140 km/h d’est-nord-est le 21 à 20h15
  • Cilaos : 138 km/h d’est-sud-est le 21 à 04h29
  • Bellecombe-Jacob : 132 km/h d’est-nord-est le 20 à 16h38
  • Petite-France : 130 km/h d’est-sud-est le 21 à 02h17
  • Plaine des Palmistes : 96 km/h d’est-nord-est le 21 à 02h07

- dans les Bas :

  • Le Port : 109 km/h de nord-est le 21 à 16h17
  • Gillot-Aéroport : 108 km/h d’est-sud-est le 20 à 16h46
  • Gros Piton Ste-Rose : 107 km/h de sud le 19 à 17h18
  • Le Baril : 104 km/h d’est-nord-est le 21 à 10h42
  • Pierrefonds-Aéroport : 98 km/h de sud-est le 20 à 10h54
  • Bellevue Bras-Panon : 98 km/h d’est le 20 à 09h18
  • Pont-Mathurin : 88 km/h d’est-sud-est le 21 à 00h02
  • St-Benoît : 86 km/h de sud-est le 20 à 07h08
  • Pointe des Trois-Bassins : 78 km/h de sud-sud-est le 19 à 15h19