
Bilan de la saison cyclonique 2024-2025
22/06/2025La saison cyclonique 2024-2025 dans le Sud-Ouest de l’océan Indien va vraisemblablement rester de sinistre mémoire pour bon nombre d’habitants de la zone Sud-Ouest de l’océan Indien. Avec ses 13 systèmes ayant au moins atteint le stade de tempête, dont 8 sont devenus des cyclones tropicaux, l’activité cyclonique de la saison se situe dans le top 5 des saisons les plus actives du bassin depuis environ 40 ans. Près de la moitié des phénomènes ont eu un impact sur les terres habitées. Certains d’entre eux ont été catastrophiques. Les territoires français sont historiquement frappés et le double impact direct des cyclones CHIDO sur Mayotte en décembre puis de GARANCE à La Réunion en février, restera comme un des faits marquants de cette saison. Alors qu’à partir du 1er juillet, nous changerons de saison cyclonique, retour sur une saison cyclonique 2024-2025 très active.
Les faits marquants
→ Un début de saison précoce.
Cette saison cyclonique a commencé plus tôt qu’habituellement avec la formation dès le 1er octobre de la tempête tropicale ANCHA. Elle se termine le 21 avril avec la dissipation de la tempête subtropicale KANTO (phénomène atypique aux caractéristiques hybrides). Le dernier phénomène purement tropical ayant évolué sur le bassin fût le cyclone COURTNEY, qui a perdu son statut de tempête tropicale sur l’est du bassin le 31 mars. Contrairement aux 3 saisons précédentes, aucune activité perturbée significative n’est constatée en mai. La saison s’est donc étendue sur un peu plus de 6 mois, soit sur une durée proche de la normale.
→ Un nombre élevé de systèmes puissants
Sur ces 6 mois, ce sont pas moins de 13 tempêtes et cyclones qui se sont ainsi succédé sur le bassin (normale à 10). 8 d’entre eux sont devenus des cyclones tropicaux (normale à 5) avec des vents soufflant en moyenne à au moins 120 km/h. Une large majorité de ces cyclones, 6 sur les 8 (soit deux fois plus que la normale), sont devenus des cyclones tropicaux intenses (CTI) avec des vents dépassant les 165 km/h. Dans la nuit du 6 au 7 février, le cyclone tropical VINCE, venu de la zone de responsabilité australienne, devient le cyclone le plus puissant de la saison en atteignant le stade de cyclone tropical très intense (CTTI). Bien heureusement ce système est resté loin des terres habitées lorsqu’il était accompagné de vents dépassant les 220 km/h en moyenne (315 km/h pour les rafales) ! L’énergie cyclonique accumulée sur toute la saison est dans le top 3 des saisons les plus actives depuis 40 ans. Le nombre de jours cumulés sur toute la saison avec présence d’une tempête ou d’un cyclone sur le bassin est quant à lui dans le top 5. Non seulement il y a eu plus de systèmes puissants que la normale cette saison, mais ils ont eu aussi tendance à maintenir durablement cette forte intensité. Le pic d’activité de la saison est observé entre fin janvier et mi-mars avec pas moins de 7 phénomènes cycloniques suivis par le CMRS en un peu plus d’un mois et demi, dont 2 duos (GARANCE et HONDE puis IVONE et JUDE).
Progression au fil de la saison de l'énergie cyclonique accumulée (trait noir). Les batonnets violets représentent les contributions journalières de chaque épisode cyclonique.
→ Formation privilégiée des tempêtes tropicales dans le canal du Mozambique
La formation des tempêtes tropicales a été nettement favorisée dans le canal du Mozambique (3 au lieu de 1 à 2 habituellement). Dans les autres secteurs, le taux de formation des tempêtes est proche de la normale même si on peut noter une zone est du bassin un peu plus favorisée que d’habitude (6 tempêtes au lieu de 5 à 6 habituellement à l’est de 70°E) et une zone centrale (entre 50°E et 70°E, soit dans un vaste secteur au nord des Mascareignes) légèrement défavorisée avec 3 genèses au lieu de 3 à 4 en moyenne. Signalons également que la majorité des processus de formation ont été laborieux : plusieurs jours se sont en général écoulés entre le moment où une zone de basses pressions se formait et l’évolution en tempête tropicale, seuls ANCHA et GARANCE ont eu des processus à cinétique plus habituelle voire rapide.
→ Des trajectoires variées
La saison a été marquée par un anticyclone subtropical globalement plus puissant que la normale. Cette configuration généralement propice au déplacement durable des phénomènes vers l’ouest, ne se voit au final que partiellement à l’examen des types de trajectoires réellement observés cette saison. En effet seuls 5 phénomènes cycloniques sur les 12 purement tropicaux, ont eu des trajectoires marquées par une composante durable vers l’ouest (il s’agit de ANCHA, BHEKI, CHIDO, DIKELEDI et VINCE). Les 7 autres n’ont pas reflété cette tendance, avec des trajectoires plutôt orientées vers le sud, notamment sur l’ouest et l’est du bassin.
→ Une saison très impactante pour les territoires habités de la zone
6 phénomènes cycloniques (quasiment la moitié) ont généré des impacts en vents forts, fortes pluies et mer dangereuse, parfois catastrophiques sur les territoires habités du Sud-Ouest de l’océan Indien. Ils ont commencé de façon précoce avec BHEKI, qui affecte l’île Rodrigues le 20 novembre. Le dernier système à impacter les terres est le cyclone tropical JUDE qui touche l’extrême sud de Madagascar le 15 mars. 3 systèmes (CHIDO, DIKELEDI et JUDE) génèrent des impacts sur plusieurs territoires de la partie ouest du bassin. Les trajectoires paraboliques similaires de DIKELEDI et JUDE vont ainsi amener ces cyclones à concerner à peu près les mêmes zones à 2 mois d’intervalle (le nord de Madagascar, le nord du Mozambique puis le sud de Madagascar). Sur le nord du Mozambique, ces 2 cyclones vont même toucher exactement la même zone de la province de Nampula (Ilha de Mocambique). Plus généralement, la grande majorité des terres habitées habituellement exposées au risque cyclonique sont touchées cette année :
- Madagascar : Une fois n’est pas coutume, c’est cette fois-ci essentiellement les régions nord et sud qui sont affectées. 3 cyclones (DIKELEDI, HONDE et JUDE, respectivement en janvier, février et mars) auront concerné directement la Grande Île cette année. Avant cela, CHIDO en décembre, passe à 70 km de la pointe nord, mais la compacité et le passage rapide du cyclone, font que les conséquences sont relativement limitées. La côte centre-est, traditionnellement plus exposée, a plutôt été épargnée puisqu’il n’y a que les fortes pluies associées à la dépression tropicale FAIDA qui intéressent la région de Tamatave début février.
- Les Mascareignes : Si l’île Maurice est épargnée cette année, l’île de La Réunion est touchée de plein fouet par GARANCE (voir paragraphe suivant).
- Le Mozambique : Le nord du Mozambique est affecté par 3 cyclones tropicaux (dont 1 intense, CHIDO). Le pays est confronté depuis le début des années 2020 à une recrudescence des impacts directs de tempêtes et de cyclones. Alors que le Mozambique connaît en moyenne 6 à 7 phénomènes par décennie atterrissant sur ses côtes en tant que tempêtes ou cyclones, depuis le début de la décennie 2020, 10 impacts sont déjà comptabilisés ! … et la décennie est loin d’être terminée !
Mais les cyclones ont aussi touché cette année, des terres moins exposées au risque cyclonique, comme Mayotte (concernée à la fois par une tempête et un cyclone tropical – voir paragraphe suivant) et Agaléga (possession mauricienne située à environ 1000 km au nord des Mascareignes) qui a vu passer l’œil du cyclone intense CHIDO directement sur les îlots dans la nuit du 11 au 12 décembre, accompagné de rafales dépassant les 250 km/h.
Enfin, l’intérieur des terres du continent africain n’est pas épargné, avec le Malawi (durement frappé il y a 2 ans par le cyclone FREDDY) affecté très sensiblement par les fortes pluies et les rafales associées à CHIDO et JUDE, malgré leur affaiblissement suite au passage sur terre.
Ces différents impacts laissent derrière eux de lourdes pertes en vies humaines et des dégâts matériels colossaux. CHIDO restera le cyclone le plus meurtrier de la saison, avec un bilan humain d’au moins 172 morts dans son sillage, des centaines de disparus et des milliers de blessés.
Les territoires français durement frappés
Les territoires français du Sud-Ouest de l’océan Indien ont connu une série inédite d’impacts cycloniques durant cette saison cyclonique. Pour la première fois depuis le début de l’ère satellitaire (1967), les deux départements français de Mayotte et de La Réunion sont chacun touchés directement par l’œil d’un cyclone tropical mature au cours d'une même saison.
→ CHIDO à Mayotte puis GARANCE à La Réunion
Le samedi 14 décembre 2024, le cyclone tropical intense CHIDO passe en fin de matinée sur le nord-ouest de Grande-Terre avec des vents estimés dans le mur de l’œil à 175 km/h en moyenne et des rafales à 250 km/h. C’est le scénario du pire tant redouté qui se déroule pour Mayotte. Celui, identifié de longue date, de la possibilité, rare mais bien réelle, d’un cyclone qui aurait une trajectoire vers l’ouest axée suffisamment nord pour éviter Madagascar (véritable barrière à cyclone pour Mayotte avec l’affaiblissement induit par un passage sur terre) et qui ensuite infléchirait légèrement sa trajectoire vers l’ouest-sud-ouest pour se diriger directement vers Mayotte en maintenant une intensité conséquente. L’île de Mayotte subit ainsi les pires conditions cycloniques qu’elle ait jamais connues depuis 90 ans avec le cyclone du 18 février 1934.
Retrouvez ici l’article que nous avons publié sur les conséquences météorologiques de CHIDO à Mayotte.
Séquence d'images satellites résumant le cycle de vie de CHIDO depuis la phase de formation laborieuse sur l'Est du bassin (à droite) jusqu'à la phase de maturité sur l'Ouest du bassin (à gauche)
2 mois et demi après le passage de CHIDO sur Mayotte, c’est au tour de La Réunion d’être frappée par un cyclone tropical mature. Le 28 février 2025, l’oeil du cyclone GARANCE traverse La Réunion du nord au sud, en engendrant des conditions cycloniques marquées sur une large moitié est de l’île. Le cyclone est alors caractérisé par une zone d’influence réduite et une répartition très asymétrique des vents les plus forts autour de l’oeil. Rarement, l’impact d’un cyclone est aussi contrasté sur l’île ! Il faut se rendre compte que pendant que le nord-est et l’est de l’île subissait des rafales dépassant les 200 km/h dans la partie la plus active du cyclone, les rafales sur certains secteurs de l’ouest n’atteignent même pas les 100 km/h ! De même, lorsque des pluies exceptionnellement intenses (jusqu’à localement 1 mois de pluie tombant en quelques heures) s’abattent sur le Nord et l’Ouest de l’île dans la partie arrière du cyclone, les cumuls de pluies sur le Sud n’ont aucun caractère remarquable ! Heureusement que GARANCE est en voie d’affaiblissement rapide lorsqu’il aborde La Réunion : le maximum d’intensité du cyclone, au stade intense, a été estimé atteint seulement 12h avant l’arrivée sur l’île avec des rafales à 260 km/h sur mer. Depuis le passage de JENNY sur La Réunion en 1962 (il y a 63 ans, un autre 28 février ...), GARANCE fait partie des 4 cyclones ayant donné les vents les plus violents à La Réunion avec FIRINGA (1989) et DINA (2002).
Retrouvez ici l’article que nous avons publié sur les conséquences météorologiques de GARANCE à La Réunion.
Images satellite du cyclone GARANCE en soirée du 27 février (image de gauche) puis lors de son arrivée sur La Réunion (image de droite le matin du 28 février). On note une nette détérioration de l'apparence du cyclone avec la disparition de l'oeil.
→ DIKELEDI à Mayotte, 1 mois après CHIDO
Début janvier 2025, alors que Mayotte se relève difficilement du passage de CHIDO, le territoire doit se préparer à l’arrivée d’un nouveau phénomène cyclonique. Cette fois-ci le scénario est un peu plus classique puisque le cyclone tropical DIKELEDI frappe la pointe nord de Madagascar et se déstructure significativement en arrivant sur le nord du canal du Mozambique (affaiblissement au stade de tempête tropicale modérée). DIKELEDI passe le dimanche 12 janvier à moins de 100 km au Sud de Mayotte et donne des pluies diluviennes sur le sud de Grande-Terre, illustrant bien le fait qu’un système dépressionnaire tropical affaibli en termes de vents, peut continuer malgré tout de présenter un danger important compte tenu des fortes pluies associées (et dont l’ampleur est nettement moins dépendante de l’intensité du phénomène).
Retrouvez ici l’article que nous avons publié sur les conséquences météorologiques de DIKELEDI à Mayotte.
Le cyclone tropical DIKELEDI en matinée du 11 janvier 2025. Il menace directement la pointe nord de Madagascar et Mayotte où les conditions météorologiques ont commencé à se dégrader à l'approche du phénomène.
Cette double occurrence d’un cyclone et d’une tempête tropicale à moins de 100 km des côtes de Mayotte au sein d’une même saison, est une première dans les archives cycloniques du bassin. Cela est d’autant plus remarquable pour cette zone du nord du canal habituellement moins fréquentée par les phénomènes cycloniques comparativement à d’autres secteurs du bassin.
La Réunion connaît aussi une situation similaire. En effet, bien avant le passage de GARANCE, la tempête tropicale BHEKI était aussi passée à moins de 100 km des côtes de La Réunion en tout début de saison, le 21 novembre. Il n’y a toutefois pas eu de conséquence particulière sur le département (épisode pluvieux modéré sur la moitié sud de l’île) puisque La Réunion s’est retrouvée concernée par un secteur particulièrement peu actif de la tempête.
→ Les Terres Australes et Antarctiques Françaises aussi touchées
Les départements de Mayotte et de La Réunion n’ont pas été les seuls à subir les impacts des cyclones. Certaines Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) ont aussi croisé la route des cyclones. Europa (île française située dans le sud du canal), qui a l’habitude d’être sur la route des cyclones, a ainsi été concernée par 3 phénomènes (DIKELEDI, HONDE puis JUDE). L’impact le plus significatif est généré par HONDE avec des vents soufflant en tempête dans la nuit du 26 au 27 février. Toutefois, le territoire qui aura connu l’impact le plus violent d’un cyclone est l’archipel des Glorieuses (situé à environ 200 km au nord-est de Mayotte) qui a subi dans la nuit du 13 au 14 décembre la partie nord du mur de l’oeil de CHIDO, alors en route vers Mayotte, avec des vents enregistrés en rafales jusqu’à 200 km/h.
Enfin, signalons que ces impacts n’auront pas été uniquement sources de conditions météorologiques dangereuses pour les missionnaires de l’armée et/ou de l’administration des TAAF présents sur place. En février puis début mars, le passage des restes du cyclone VINCE puis quelques semaines plus tard, de ceux de GARANCE à proximité de l’île de Nouvelle-Amsterdam, aura vraisemblablement contribué à éteindre l’important incendie qui sévissait sur l’île depuis la mi-janvier. Cet incendie avait nécessité l’évacuation totale de la base scientifique installée sur l’île.
Les noms pour la saison cyclonique 2025-2026
Le 1er juillet 2025 marque, comme chaque année, le changement de saison cyclonique. Voici la liste des noms qui seront utilisés pour la saison 2025-2026 :
Noms | Pays | Genre |
AWO | Malawi | Neutre |
BLOSSOM | Seychelles | Féminin |
CHENGE | Tanzanie | Masculin |
DUDZAI | Zimbabwe | Féminin |
EWETSE | Botswana | Neutre |
FYTIA | Madagascar | Féminin |
GEZANI | Afrique du Sud | Masculin |
HORACIO | Mozambique | Masculin |
INDUSA | Kenya | Féminin |
JULUKA | Eswatini | Masculin |
KUNDAI | Zimbabwe | Masculin |
LISEBO | Lesotho | Féminin |
MICHEL | France | Masculin |
NOUSRA | Les Comores | Féminin |
OLIVIER | Maurice | Masculin |
POKERA | Malawi | Féminin |
QUINCY | Seychelles | Féminin |
REBAONE | Botswana | Neutre |
SALAMA | Les Comores | Féminin |
TRISTAN | France | Masculin |
URSULA | Kenya | Féminin |
VIOLET | Afrique du Sud | Féminin |
WILSON | Mozambique | Masculin |
XILA | Madagascar | Masculin |
YEKELA | Eswatini | Masculin |
ZAINA | Tanzanie | Féminin |